Le jeu du Je
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Récemment une affaire a fait grand bruit dans les médias français : un préfet était accusé d’avoir tenu des propos racistes à l’encontre de membres du personnel d’un aéroport.
Le préfet démis aussitôt de ses fonctions a cependant nié avoir tenu de tels propos.
Il s’agirait donc ici à priori d’un problème « parole contre parole ».
N’ayant pas assisté à cette altercation je n’ai aucune révélation à faire, en revanche cette histoire fut l’occasion de me remémorer un fait où je fus hélas directement concerné.
Il y a quelques années, alors que j’étais encore plus sensible que maintenant à la fumée de cigarette et qu’il m’arrivait souvent d’éviter telle ou telle station de métro ou de RER car la sachant régulièrement enfumée.
Je me souviens de la station de métro, Strasbourg Saint-Denis, en descendant rejoindre mon quai j’ai depuis le haut des marches senti l’ennemi : un air fortement vicié par la combustion de cette drogue légale que constitue la cigarette. Tant pis j’y allai, m’exposant à cette saloperie qui m’avait déjà tant fait morfler, à la fois énervé et anxieux.
Arrivé sur le quai stupeur : celui-ci était vide à l’exception d’un homme assis qui semblait moins attendre une rame que tuer le temps en sous-sol.
Voyant en lui le coupable probable, celui qui pourrissait l’air de ce quai en dépit de la loi et au mépris des autres usagers dont certains pouvaient comme moi subir cela non pas comme une nuisance légère mais comme un poison redoutable, je me dirigeai sans hésitation dans sa direction m’attendant à constater ce que je constatai : il était bien en train de s’en griller une en toute tranquillité, sans la moindre gène.
Pas facile d’aborder un type dont l’attitude évoque le fait qu’il n’en a rien à faire du préjudice qu’il pourrait vous causer, c’est encore moins facile quand vous savez que dans votre cas ce préjudice peut être grand et que la société ne le reconnaît pas à sa juste valeur, c’est encore moins facile quand vous devez faire preuve de diplomatie alors que vous bouillonnez de colère.
J’ai respiré un grand coup et, me postant devant lui assis, lui ai demandé fermement et « courtoisement » (j’ai appris plus tard que ce terme avait la côte chez les policiers) de bien vouloir éteindre sa cigarette.
Refus agressif du type avec en prime une remarque fine sur le fait que je n’étais pas de la police. Faut-il donc être policier pour être respecté ?
Conséquence : augmentation de ma colère et certainement visage bien moins conciliant de mon côté. Remarque certainement peu douce de ma part quant à son attitude et son mépris des autres.
Conséquence de la conséquence (tout le monde suit ?) : le type se lève brusquement et me donne un violent coup de poing au visage. J’en perds mes lunettes et le peu de confiance que j’avais encore dans les possibilités d’un dialogue.
Choqué je m’empresse de récupérer mes lunettes et de tirer sur le système d’alarme du quai, pas question de laisser passer cela.
C’est alors qu’une rame arrive enfin et que le type essaie d’en tirer partie pour s’enfuir avant l’arrivée des agents de sécurité et de la police.
La rame reste bloquée et les passagers comprennent qu’il s’est passé quelque chose.
C’est alors que mon agresseur sort sa botte secrète : oui il m’a agressé mais parce que je l’aurais traité de « sale arabe » !!!!
Jamais de ma vie il ne m’est arrivé de prononcer ce genre de chose, de plus, au cas où j’aurais été schizophrène la chose était tout bonnement impossible car je n’avais point remarqué l’origine ethnique de ce butor, il faut dire pour ma défense que je ne m’intéresse d’ordinaire pas beaucoup à ce genre de choses.
L’accusation portée avait beau être complètement imaginaire le mal était fait : j’étais désormais stigmatisé comme un salopard de raciste à qui il convenait de manifester sa haine.
Les gens se sont mis à me regarder effectivement avec haine, d’autant qu’ils avaient aussi vu en moi l’ignoble victime à cause de laquelle leur rame était retardée.
Des propos agressifs ont fusés à mon égard, mon agresseur ayant réussi son coup au-delà de toutes espérances.
Le ton montant, le courage du groupe uni dans la haine aidant, l’horreur monta d’un cran quand un grand gaillard s’avança vers moi.
Peut-être avait-il bu, en tout cas il se présenta comme un ancien légionnaire et m’annonça clairement qu’il allait me tuer.
J’ignore ce qu’auraient pensé d’eux-mêmes tous ces braves usagers qui avaient participé à cette dérive haineuse si j’avais été occis en grande partie par leur faute sous leurs yeux par ce monstre, je sais juste que c’est à ce moment critique qu’arriva en courrant policiers et agents de sécurité.
Le légionnaire si fier de m’avoir courageusement promis la mort se fit alors tout petit, les passagers si prompts à me huer se turent et mon agresseur fut enfin embarqué après avoir ressorti une deuxième fois sa version des faits.
Le défaut de misanthropie doit être un signe de dérangement mental, je devrais consulter pour cela.
(n’exagérons pas, j’ai quand même moi aussi un petit fond misanthrope)