Le jeu du Je
La grande guerre des séropositifs au VIH.
C’est aujourd’hui le 11 novembre, jour de commémoration de la « grande guerre », occasion de beaucoup de choses, en particulier occasion pendant des années pour les anciens poilus de songer à cette guerre traumatisante les ayant marqués à jamais.
Non les séropositifs n’ont pas connu l’horreur des tranchées et si ils ont combattu c’était souvent en premier pour eux-mêmes, et puis est-il vraiment juste de parler ici de combat ?
J’écris aujourd’hui quelques lignes sur nous car voilà des années que je nous associe pourtant à ces poilus aux combats si différents des nôtres.
Quand je dis « nous » j’évoque les séropositifs qui ont connu, qui ont vécu les débuts du sida de l’intérieur, ces séropositifs qui se savaient déjà porteur du virus en ces années où aucun traitement efficace existait, en ces années où porter le virus était porter la mort, la sienne et peut-être aussi celle des autres.
En ces années beaucoup portaient seuls ce fardeau, beaucoup le cachaient, beaucoup vivaient cette mort intime sans pouvoir l’exprimer.
Le VIH était un terrible fléau intime, une saloperie qui vous rongeait de l’intérieur, un truc pas visible et pourtant d’une terrible violence destructrice.
Il est des choses difficiles à dire à ceux qui ne les ont pas connus, le VIH de ces années là est de celles-ci tout comme devaient l’être certaines atrocités de 14-18.
Tout comme les poilus ayant assisté aux commémorations se savaient être des survivants nous nous savons nous aussi survivants.
Tout comme les poilus l’ont été de la « grande guerre » beaucoup de séropositifs ayant survécu aux débuts du sida ont gardé de ces années une forme de trauma.
Pas facile de parler de choses dures, choses de guerre ou de maladie, d’autant moins facile d’en parler qu’on sait qu’il est difficile de pouvoir les écouter.
Mais ce qui me fait le plus associer les poilus à nous les dinosaures du VIH est le fait que nous évoquons souvent notre vécu avec la maladie, notre trauma, comme si il emplissait toute notre vie, comme si c’était tout ce qui nous restait.
Non le séropositif de base ne parle pas que de son virus, moi y compris, mais j’ai ce fort sentiment que nous attendons souvent inconsciemment une forme de reconnaissance quant à notre vécu singulier.
Je culpabilise un peu d’écrire ici encore sur le VIH, c’est aujourd’hui la journée des poilus, c’est la journée d’autres souffrances.