Le jeu du Je

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Dans le match Sidaction contre Téléthon qui va gagner ?

 http://fr.wikipedia.org/wiki/Charity-business

 

Je n’ai guère de sympathie pour les profiteurs des malheurs des autres et si je ne dispose pas d’informations privilégiées me permettant de dire que derrière tel ou tel acteur médiatisé de la charité bien organisée pourrait se cacher un cynique calculateur je n’en trouve pas moins malsain le charity business qui avant de venir au secours de malheureux apporte surtout de l’argent au secteur déjà trop florissant de la publicité.

 

 

Mais je m’égare, je souhaitais surtout évoquer une perversion terrible de la course aux dons dans le domaine du VIH, perversion qui fait que le séropositif que je suis considère aujourd’hui les grandes associations censées lutter contre le VIH comme des ennemies.

 

Une des stratégies appliquées pour lever des fonds est de faire peur, d’insister sur l’aspect mortifère du VIH, sur l’horreur qu’il y a d’être séropositif, sur le fait qu’il s’agisse d’un fléau terrible, etc…

 

Or cette stratégie appliquée avec de grands moyens donne une vision déformée de la réalité tout en aggravant un des pires maux qui soit pour les séropositifs : la stigmatisation lié à leur sérologie.

 

Encore récemment un gars payé par l’association AIDES pour faire la manche (1) pour apitoyer les passants usait d’un discours insistant sur le fait que le sida tuait toujours en France.

 

Aujourd’hui en France le taux de décès annuel par sida est d’environ 0,1% chez les séropositifs, certes on en meurt encore mais cela n’est plus depuis longtemps la principale obsession de l’immense majorité des séropositifs et de leurs proches.

 

Combien savent que l’an dernier environ 50 fois moins de personnes sont mortes du sida que du tabagisme passif dont on parle si peu ? Combien savent de plus que parmi les rares personnes qui meurent encore du sida en France beaucoup sont longtemps restées dans le déni de la maladie, avaient refusés les traitements?

Qui mesurera jamais l’impact de la diabolisation du VIH dans ces dénis que l’on observe ici et là chez des gens qui ne savent pas vivre avec un invisible virus présenté comme si effrayant ?

La parole sur ce sujet est monopolisée par des acteurs qui ont intérêt à la présenter sous un jour le plus sombre possible.

Aujourd’hui la diabolisation du VIH entretenue par des associations se disant lutter contre le VIH favorise les dénis de séropositivité et a de ce fait des morts à son actif.

 

 

Qui se sent les épaules assez solides pour s’assumer porteur de ce qui est encore perçu par beaucoup comme une peste moderne ? Bien peu de gens, bien peu.

 

Beaucoup ayant pu s’exposer au virus préfèreront rester dans l’ignorance de leur sérologie plutôt que de risquer devoir porter un tel fardeau briseur de rêves. Doit-on s’étonner d’une telle attitude ? Pour ma part si celle-ci va à l’encontre de la société elle correspond aux intérêts individuels, il est en effet plus intéressant de vivre quelques années dans l’insouciance en pouvant s’imaginer séronégatif que de se savoir séropositif, l’homme étant naturellement égoïste un tel choix est normal.

 

Quel intérêt à se savoir séropositif dans une société qui d’une part persiste à regarder ce virus comme une nouvelle peste et d’autre part semble vouloir faire reposer l’essentiel de la responsabilité de la contamination à la personne qui se savait séropositive ? On a vu des décisions de justice qui assimilaient la contamination d’autrui à de l’empoisonnement volontaire, dans ces conditions il est bien plus confortable pour quelqu’un ayant une forte libido de rester dans l’ignorance.

Comprenons-nous bien : mon propos n’est pas ici d’absoudre complètement la personne qui se sachant séropositive ne répondant pas aux critères suisses de non transmissibilité va multiplier les rapports non protégés avec des partenaires ignorant de son statut. Mon propos est qu’il faut être plus modéré, ne surtout pas assimiler ces personnes là à des empoisonneurs volontaires, l’intention n’étant alors pas de tuer mais de connaître des instants de plaisir.

 

Le rôle du monde associatif ici ?

Il est ici double, contradictoire.

D’un côté les associations s’opposent généralement à la volonté de certains à vouloir faire reposer tout le poids de la responsabilité de la contamination sur les épaules de la personne qui se savait séropositive, néanmoins si beaucoup de séropositifs redoutent de dire leur statut c’est aussi en grande partie du fait de cette diabolisation entretenue par ces mêmes associations…

 

 

La diabolisation du VIH a deux effets importants :

_ elle rend la vie de beaucoup de séropositifs infernale

_ elle favorise la propagation du virus en favorisant les rapports non protégés chez les séropositifs à risque

 

 

Pourtant aujourd’hui il suffirait de peu de choses pour tordre le cou à cette diabolisation, il suffirait juste de dire la vérité sur la nouvelle réalité du VIH, en particulier :

_ découvrir sa séropositivité aujourd’hui n’interdit pas d’espérer de vivre des dizaines d’années en bonne santé

_ aujourd’hui une personne séropositive peut envisager de devenir père ou mère

_ aujourd’hui, contrairement à ce qui a été asséné pendant des années, une personne séropositive a de grandes chances de pouvoir de nouveau avoir un jour des rapports sexuels non protégés sans danger pour son/sa partenaire (voir les nouvelles recommandations suisses ainsi que les approches prophylactiques)

 

Les associations laissent parfois échapper une partie de ces nouvelles réalités mais il n’en demeure pas moins vrai que c’est la diabolisation qui leur permet de se faire du blé auprès des braves gens, c’est aussi la diabolisation qui continue de servir de ressort à des campagnes de prévention visant moins à prévenir la propagation du virus qu’à plaire à des pouvoirs publiques pourvoyeurs de fonds.

 

Aujourd’hui le VIH n’est plus le démon invincible qu’il était hier, aujourd’hui il n’interdit plus les projets de vie, mais combien savent la chose ?

 

 

 

Je ne sais pas qui va gagner du Téléthon ou du Sidaction mais je sais que ce dernier n’a plus ma sympathie depuis longtemps.

 

 

 

(1) Les types souriant arborant le logo d’une association sont le plus souvent bien rémunérés pour cette activité qui n’a rien de bénévole.

Lun 30 nov 2009 Aucun commentaire