Le jeu du Je
Fatigues urbaines : survivre en milieu hostile.
_ « Merci pour la musique ! »
_ « Merci pour le silence ! » eu-je alors envie de crier après avoir, comme trop souvent sur cette ligne de métro, subi la musique vénale qu’un type comptant sur les sentiments de culpabilité des braves passagers leur imposa.
Nous avions profité de sa prestation et ne pas le rémunérer pouvait être inconsciemment perçu comme une forme de vol.
Il ne nous avait pas demandé au préalable si nous souhaitions écouter de la musique, encore moins si nous souhaitions écouter sa musique et même pas, ce qui pourtant devrait être la moindre des choses, si cela nous dérangeait. OK en nous demandant l’autorisation de jouer il aurait là aussi dérangés ceux qui espéraient une parenthèse de tranquillité.
Il est arrivé dans la rame et a imposé à tous les passagers une musique que personne n’avait demandée et qui dérangeait visiblement beaucoup de monde. Certes tout le monde n’est pas comme moi séropositif au VIH avec des défenses immunitaires faibles et facilement fatigué, mais est-ce une raison pour produire du bruit dans une rame de métro, dans un endroit où beaucoup tentent de se reposer un peu ?
Cette fois-ci était un musicien, d’autres fois la quête n’est pas précédée de musique mais accompagnée de discours plus ou moins foireux. Ainsi il m’est arrivé de me mettre en colère vis-à-vis d’un gus qui abusait les gens en leur expliquant qu’il avait besoin d’argent pour se payer son traitement anti-VHC : en France le traitement de l’hépatite C est pris en charge à 100%…
Il m’est aussi arrivé de voir la même personne avec des discours complètement différents mais toujours culpabilisants pour ceux à qui ils étaient adressés.
C’est en générant une nuisance qu’ils cherchent à recevoir de l’argent, le silence ne paie pas et c’est bien dommage.
Fréquemment fatigué c’est le silence que je recherche, mais où le trouver dans une métropole ayant oublié dans sa folle croissance certains besoins élémentaires facilement satisfaits en zones rurales?
Certaines lignes de métro sont « embruyantées » par des mendiants mais s’y ajoute aussi le problème des braves passagers qui parlent un peu fort entre eux ou à un mystérieux correspondant qu’eux seuls entendent via leur téléphone mobile. S’y ajoute aussi les multiples annonces sonores des régies de transport : métro retardé, train annulé, rappel de la destination d’un train pourtant correctement affichée sur le quai, publicité pour tel titre de transport,…
Devoir prendre les transports en commun apparaît de plus en plus comme une épreuve, et ce sans même évoquer la question de leur non-fiabilité croissante.
Où trouver le silence dans cette métropole ?
J’ai aujourd’hui effectué un saut à l’hôpital.
Après une nuit d’insomnie j’étais particulièrement fatigué, aussi ai-je cherché une solution pour me reposer un peu entre 2 rendez-vous.
Le service du premier rendez-vous (que j’ai au passage raté, le réveil ayant été trop laborieux) n’a rien pu me proposer, aussi, heureusement chaudement couvert, j’ai opté pour un banc du petit parc situé au cœur de cet hôpital.
Alors que je luttais pour trouver une position pas trop inconfortable permettant une petite récupération je fus dérangé par un bruit que, bien que m’étant tristement familier, j’hésitai à reconnaître : le vacarme des souffleries à feuilles dont sont désormais équipés nombre de cantonniers, cantonniers qui ont gagné dans l’histoire la perspective de nouvelles maladies professionnelles ainsi que la haine d’une population qui les considérait auparavant avec sympathie.
A une époque on pouvait lire à proximité des hôpitaux des pancartes « hôpital = silence » et j’espérais qu’au moins ces lieux là puissent demeurer préservés de ces bruits inutiles (une rumeur tenace dit que les balais existent toujours).
Mais les hôpitaux seraient silencieux on n’en trouve pas forcément un suffisamment près de son lieu de travail pour pouvoir y faire un saut le temps d’une sieste.
Les parcs ?
A Paris ceux-ci sont rares, on y trouve surtout des jardins de taille modeste où le bruit de la circulation automobile est encore très présent, les bancs rares et le respect du dormeur pas plus répandu qu’ailleurs…
Le droit au repos on en parle quand ?
Oui j'aime les Buttes-Chaumont, un des moins petits de Paris et de surcroît parc à l'anglaise où la nature bien qu'un minimum domestiquée ne l'est pas de façon outrancière, type de parc où la main de l'homme essaie de ne pas être trop lourde comme dans les trop nombreux jardins à la françaises qui s'imposent au coeur de la ville.
Hélas je ne suis que rarement près des Buttes mais merci quand même pour ce sympathique conseil.
Et alors ... j'en suis vachement mais alors vach"ment encore plus loin que ça !! Zut alors !!
Ca y est j'ai compris : le "vachement" est une allusion rurale !
Ah non qu'on ne me parle pas de la douce campagne maintenant, je vais déprimer encore plus en songeant à l'horreur de ma situation.
Vive les vaches !
J'entends en fait un grand bruit : les crapauds-buffles, puis les criquets, stridents ce soir, les petites grenouilles aussi, et quelques oiseaux nocturnes, le battement d'une aile de chauve-souris... J'adore ce silence, que je peux écouter en admirant un ciel parfaitement étoilé, car il n'y a absolument aucune pollution nocturne. J'adore le ciel d'Amazonie. Il est magique. On y voit mille fois plus d'étoiles qu'en france... merci la nuit, merci le silence des hommes...
Belle nuit à vous tous, malgré tout...
Sophie, du fond de sa foret amazonienne...
(voilà bien longtemps qu'on ne voit plus les étoiles au-dessus de la ville lumière)
L'Amazonie? C'est encore bien + pire que ma campagne de 'Meuh' à moi !!
A qui le tour?
La prochaine personne qui ose de telles provocations gagne un séjour dans la banlieue parisienne en représaille.
Je sens que ça va moins rigoler tout d'un coup.
Et puis, tu sais, je n'ai pas toujours vécu ici. J'ai même vécu l'enfer du 14è ardt pendant 3 ans. Un jour, il y a 10 ans, j'ai dit "stop", j'ai tout envoyé bouler, et je suis venue ici avec mes enfants. C'est dans ces moments-là qu'on se découvre moins matérialiste qu'on ne le pensait...
Pour changer de vie, il suffit de le décider, tout le reste n'est que faux pretexte.
La description que tu as faite de ton bout du monde m'avait étrangement transporté dans une région métropolitaine que j'aime particulièrement et où j'ai failli "m'enterrer" il y a quelques années.
Quitter sérieusement la vie en métropole signifierait certainement pour moi le renoncement à mon retour dans la vie active, je ne suis pas tout à fait certain de vouloir cela dès aujourd'hui. Sinon à court terme je devrais retrouver une plus grande liberté de mouvement (autorisation d'entrée aux EU, moins de contraintes avec des médicaments qui ne se conserveraient plus au froid....) et alors, n'ayant plus le stress de trop de contraintes à gérer, ce ne serait plus le silence que je rechercherais mais le vent d'une liberté retrouvée en partie.
j'ai cédé et suis revenu dans ma petite ville. J'ai déménagé depuis, et je retourne à Paris de temps en temps voir la famille.
Depuis 3 ans, j'ai un nouvel appartement, sous les toits...quand je l'ai visité, j'ai découvert un calme étonnant. Mais 3 semaines après, des travaux de réfection commençaient, sur un pont à côté et....les engins de chantier se trouvent sous mes fenêtres.
Ce matin, j'ai été réveillé tôt, j'ai ouvert les volets et surprise...les ouvriers démontent les barrières entourant le chantier. J'ai demandé "c'est fini ??" et un ouvrier m'a répondu "ce soir !!" Et ça fais 3 ans que je dort avec des boules Quiès...
A+
Pour celui qui vient de la rue j'ai pris une grande décision : du vitrage avec isolation phonique renforcée, j'espère que cela sera suffisant contre les mobylettes trafiquées qui peuvent passer au coeur de la nuit sous mes fenêtres.
Je comprends ta soif de silence... si tu peux, préfère le bus, mais je ne jureras pas que tu y gagnes...