Mercredi 30 septembre 3 30 /09 /Sep 01:06

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1987

 

Le soleil amorçait sa descente sur Paris, la lumière abandonnait ce jardin des Tuileries connu d’hommes qui aiment les hommes, connu aussi de moi qui aimais l’aventure, les regards lubriques et l’argent aussi.

 

Peut-être cela participait-il aussi d’un fantasme d’humiliation, un des plus beaux métiers du monde ayant rang d’activité avilissante. Peu importe que je considérais déjà cette activité apportant du bien-être à d’autres humains comme noble, comme des plus respectable, le fait est que j’évoluais dans une société l’ayant stigmatisée au point d’en faire le synonyme de dégradation. J’avais conscience de cette symbolique négative et en étant imprégné de celle-ci je devais sans doute aussi ressentir le trouble de l’avilissement volontaire.

 

Mes pulsions SM devaient alors probablement être antérieures à l’ère qui s’ensuivie.

 

Goût plus ou moins fort pour l’avilissement, goût pour l’argent mais aussi et surtout goût de la découverte d’autrui, ne serait-ce que le temps d’une passe où un coup d’œil visite un intérieur, où quelques mots évoquent un autre milieu que celui trop fermé dans lequel j’étais resté enfermé jusqu’à mes 18 ans.

Plaisir aussi de me savoir désiré et curiosité pour vérifier la réalité de ces convoitises dont j’étais l’objet.

 

Aucun désir charnel en revanche pour ceux qui me convoitaient, aucune espérance de plaisir charnel, aucune accélération du rythme cardiaque à la vue de ces hommes qui m’indifféraient.

 

Ouvert à tout je n’étais pas encore certain de mon hétérosexualité et envisageais encore pouvoir être bisexuel.

 

J’aurais de loin m’offrir à des femmes mais j’ignorais où aller pour une telle clientèle et aussi ma grande timidité m’orientait vers le sexe traditionnellement abordeur, le sexe qui ose draguer ouvertement. A défaut de donner du plaisir à des femmes dont les corps, voix et regards me troublaient, j’essayais d’en procurer à des hommes qui me laissaient froid.

 

Le jour déclinait quand mon destin m’apparu sous la forme d’un type assez obèse au visage peu gracieux.

Je m’en foutais royalement à vrai dire de son physique, tout ce qui comptait était son approbation pour du sexe tarifé avec le beau jeune homme que je me devinais être aux yeux de ces mâles.

 

500 francs

 

Il accepta le prix, prix pour lequel je coucherai avec lui, chez lui.

 

Une petite rue donnant dans le bas de la rue de la Mouf avec vue sur l’église, un quartier classé « sympa » et dans lequel j’aimerai plus tard me balader à l’occasion.

Son chez lui dépassait en taille la chambre d’étudiant ou le studio du salarié pauvre, un grand 2 pièces je crois.

Point de meubles, cet appartement était meublé de vide.

La lumière aussi était inexistante et le soleil ayant maintenant abandonné la ville lumière l’obscurité régnait sur le théâtre où allait se jouer cette scène que je n’ai pas complètement oubliée.

 

On est naïf à 20 ans et moi sans doute l’étais plus que tout autre.

Il lui fut facile d’expliquer cette absence d’électricité, et puis l’appartement aux murs nus évoquant le déménagement ce détail n’apparaissait pas forcément étrange.

 

Le seul meuble devait être le lit, ou plutôt, il me semble, un simple matelas posé à même le sol.

 

Il se disait marin. Les marins ça sent les vastes horizons, ça pue aussi l’aventure et j’étais sur le point d’en vivre une.

 

Je n’étais pas trop emmerdant comme prostitué, j’exigeais juste la sainte capote pour ne pas m’exposer à ce redoutable virus dont on parlait tant, que l’on redoutait d’autant qu’on ne savait encore que peu de choses sur lui. Un virus ayant déchaîné les fantasmes phobiques, un virus qui permettait à notre société trop sécurisée de sentir de nouveau le frisson de la peste, du fléau de Dieu, un virus qui satisfaisait nos besoins de peur. La société semble avoir besoin de se faire peur de temps en temps.

J’avais peur moi aussi, en tout cas suffisamment pour vouloir respecter scrupuleusement les consignes des autorités sanitaires : sortez couverts.

J’étais d’autant plus résolu à suivre ces consignes que quelques mois auparavant j’avais cru être frappé par le mal et avais connu cette terrible angoisse avant qu’un test effectué après un délais convenable m’eut rassuré.

 

Recevoir de l’argent pour donner du plaisir, de la chaleur humaine, une écoute me convenait, jouer à la roulette russe en revanche ne me correspondait plus.

 

Il n’était pas chiant ce type, il accepta la capote aussi facilement que le prix demandé.

 

Allongé sur le ventre je reçu son vit en moi, heureux de lui faire plaisir j’imagine.

 

Quel plaisir retira-t-il de cette pénétration ?

Connu-t-il un plaisir analogue à celui que connurent ceux qui le précédèrent ?

Fut-il juste excité par un beau cul accueillant son sexe ou bien une excitation autre, bien singulière, vint ici s’immiscer dans son plaisir?

 

Etait-il juste à la recherche d’un plaisir charnel ou bien était-il guidé par une motivation perverse ?

 

Savait-il ce qu’il faisait ?

Rechercha-il dans son geste un surcroît de plaisir ou plutôt vicieusement à me faire partager son destin ?

Se sentait-il dégagé de toutes contraintes morales et légales et ce depuis toujours ou juste à l’approche d’une mort qu’il voyait imminente?

 

Je sais juste qu’à la fin de l’acte j’ai pu constater qu’il avait retiré ce film de latex censé me protéger.

 

 

Quand mon virologue me fit prendre de l’AZT ce médicament n’enraya en rien ma chute, comme si mon virus avait déjà côtoyé cette molécule avant de me connaître.

 

 

C’est probablement pour 500 francs que lors d’un acte obscur j’attrapai le VIH dans un quartier sympa.

Par Acetos - Publié dans : VIH : une vie à positiver - Communauté : Réalités
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